La Grande Migration : voyage au cœur du dernier grand spectacle sauvage
Chaque année, un frémissement parcourt les vastes plaines de l’Afrique de l’Est. Une vibration sourde, un grondement lointain, puis une marée vivante s’étire à l’horizon : plus d’un million de gnous, accompagnés de centaines de milliers de zèbres et de gazelles, entament leur voyage éternel à travers les savanes du Serengeti et du Masai Mara. Ce phénomène, connu sous le nom de Grande Migration, est l’un des plus fascinants spectacles naturels de la planète, une symphonie orchestrée par les saisons et le cycle immuable de la vie.
Cet article a été publié le 17 février 2025 et mis à jour le 12 juin 2025.
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Comment observer la Grande Migration ?
Si l’aventure vous tente, plusieurs options permettent d’observer ce spectacle naturel grandiose :
- Janvier à mars : Optez pour un safari dans le sud du Serengeti pour assister aux naissances (plus de 8000 par jour au pic de la saison) et aux chasses intenses des prédateurs.
- Mai à juin : Le Western Corridor est idéal pour voir les troupeaux traverser les rivières Grumeti et Mbalageti, infestées de crocodiles géants.
- Juillet à octobre : Direction le Masai Mara au Kenya, où se déroule le célèbre passage de la rivière Mara, avec ses scènes spectaculaires de traversées en masse.
- Novembre - décembre : Retour au Serengeti central, où les premiers groupes reviennent sur les terres de mise bas, amorçant un nouveau cycle.
Que vous choisissiez un camp perché sur les hauteurs ou un safari mobile au plus près des troupeaux, une immersion dans la Grande Migration est bien plus qu’un voyage : c’est une rencontre viscérale avec la force brute du monde sauvage.
Janvier - mars : le berceau de la vie dans le sud du Serengeti
Au sud du Serengeti, en Tanzanie, la saison des pluies transforme les vastes plaines en un immense tapis vert ondulant, marquant le début d’un cycle vital essentiel. Entre janvier et mars, plus de 500 000 jeunes gnous voient le jour en l’espace de quelques semaines, un phénomène spectaculaire qui assure la survie de l’espèce. Cette période attire également les zèbres et les gazelles de Thomson, qui profitent des pâturages riches en minéraux pour mettre bas. Mais cette abondance ne passe pas inaperçue : lions, guépards, hyènes et chacals patrouillent ces terres fertiles, exploitant la vulnérabilité des jeunes herbivores.
Dans cette lutte pour la survie, les prédateurs rivalisent de stratégie. Les guépards, les plus rapides, s’attaquent aux proies isolées, tandis que les hyènes, en meute, multiplient les assauts opportunistes. Les lions, eux, dominent ces plaines, traquant méthodiquement les groupes de gnous. Face à ces menaces, les mères adoptent des tactiques de protection collective, formant des cercles autour de leurs petits. Malgré ces efforts, à peine un sur trois survivra à ses premières semaines de vie.
Cette période est l’une des meilleures saisons pour un safari, notamment dans les plaines du Ndutu, où la végétation basse permet une observation idéale des naissances et des scènes de chasse. Contrairement aux autres moments de la migration où les troupeaux se dispersent, ici, des dizaines de milliers d’animaux se regroupent dans un espace réduit, offrant un spectacle saisissant. Dans les camps mobiles installés au cœur de la savane, les visiteurs vivent au rythme de la nature, entre cris de prédateurs au loin et émerveillement face aux premières foulées d’un nouveau-né.
Zoom insolite : la saison verte, un autre visage de l’Afrique de l’Est
On l’appelle la « saison verte », une période allant de janvier à mars où le Serengeti revêt son manteau le plus inattendu. Loin de l’image classique d’une savane sèche et poussiéreuse, les plaines se parent alors de teintes émeraude, éclatantes sous un ciel orageux. Cette saison, souvent ignorée des voyageurs, est pourtant l’une des plus riches en émotions. Les orages brefs mais intenses dessinent un paysage changeant, où les flaques d’eau attirent flamants roses, cigognes et autres oiseaux migrateurs.
La lumière, adoucie par les nuages, magnifie chaque scène : une lionne en chasse, un éléphanteau pataugeant dans une mare, ou encore une naissance au petit matin. Moins fréquentée par les touristes, cette saison offre une ambiance intimiste et privilégiée, idéale pour les amateurs de photographie ou les passionnés de nature sauvage. C’est aussi une période plus fraîche et agréable, avec des températures modérées et une biodiversité exceptionnelle.
Avril - juin : le départ vers le nord et le Western Corridor
Avec la fin de la saison des pluies en mars-avril, les plaines du sud du Serengeti commencent à s’assécher, poussant les gnous, zèbres et gazelles à entamer leur migration vers le nord. De mai à juin, ces immenses troupeaux traversent le Western Corridor, une région où la végétation devient plus dense, mêlant boisements d’acacias et savane sèche. Ce passage marque le début d’un périple éprouvant, où les proies et les prédateurs se livrent une lutte acharnée pour la survie.
Les rivières Grumeti et Mbalageti, gonflées par les récentes pluies, deviennent des obstacles redoutables. Leurs eaux regorgent de crocodiles du Nil, certains pouvant atteindre six mètres de long. Cachés sous la surface, ces prédateurs patientent jusqu’à ce que les premiers gnous s’engagent, déclenchant un chaos où seuls les plus agiles et les plus chanceux parviennent à rejoindre l’autre rive.
Pour les visiteurs, cette période offre un spectacle saisissant. Contrairement aux vastes plaines ouvertes du sud, le Western Corridor, avec sa végétation plus touffue, est un terrain de chasse idéal pour les lions, léopards et hyènes, embusqués dans les hautes herbes. La migration devient alors un test impitoyable, où la sélection naturelle dicte qui poursuivra la route vers les pâturages du nord.
Juillet - octobre : l’épreuve de la rivière Mara, au Kenya
À mesure que les troupeaux progressent vers le nord, ils atteignent la mythique rivière Mara, à la frontière entre la Tanzanie et le Kenya. De juillet à octobre, ce passage devient le théâtre de l’un des moments les plus intenses et périlleux de la migration. Les berges se remplissent de milliers de gnous et de zèbres, hésitants face aux eaux tumultueuses. L’attente peut durer des heures, parfois des jours, jusqu’à ce qu’un individu prenne l’initiative de plonger, déclenchant une ruée frénétique où le chaos s’installe.
Dans cette course effrénée, certains se noient, d’autres sont broyés par la foule ou emportés par le courant. Mais la plus grande menace vient des profondeurs : les crocodiles du Nil, parfaitement adaptés à cette embuscade annuelle, fondent sur les proies affaiblies avec une force redoutable. Sur les berges, lions et léopards profitent de la confusion pour attaquer les retardataires, traquant les individus paniqués ou blessés.
C’est un spectacle à la fois fascinant et brutal, immortalisé dans de nombreux documentaires animaliers. Les plaines du Masai Mara, du côté kényan, offrent l’un des meilleurs points d’observation pour suivre ces traversées spectaculaires. C’est aussi une période idéale pour observer une grande concentration de faune sauvage : lions en embuscade, éléphants parcourant les plaines, léopards furtifs dans les acacias, rhinocéros et buffles venant s’abreuver. La diversité et l’intensité des scènes en font un moment incontournable pour les amateurs de safaris.
Novembre - décembre : le retour vers le sud et la renaissance du cycle
Lorsque les premières pluies de novembre viennent rafraîchir les terres arides du Serengeti, les troupeaux amorcent leur retour vers le sud. Après des mois d’errance à la recherche de pâturages fertiles, les survivants de cette migration épique retrouvent des paysages familiers, désormais régénérés par la saison humide. Les vastes plaines du Ndutu et du sud du Serengeti offrent à nouveau une herbe riche en nutriments, essentielle pour les femelles en gestation.
Ainsi, le cycle se répète inlassablement, dicté par la quête de nourriture et l’instinct de survie. Cette migration, vieille de milliers d’années, reste le moteur de l’équilibre écologique du Serengeti. Chaque année, les plus robustes reviennent là où ils sont nés, prêts à assurer la continuité de l’espèce en donnant naissance à une nouvelle génération.
Bientôt, les jeunes gnous feront leurs premiers pas sur ces terres verdoyantes, ignorant encore les dangers qui les guettent. Comme leurs aînés, ils apprendront à suivre les troupeaux, à franchir les rivières infestées de crocodiles et à déjouer les prédateurs. Dans quelques mois, l’histoire recommencera, fidèle à un rythme immuable qui façonne la savane africaine.